La loi ELAN du 23 novembre 2018 a défini le droit de jouissance privative à l’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965, selon lequel ce droit concerne une partie commune affectée à l’usage exclusif d’un lot. Il est attaché au lot de copropriété et ne peut constituer une partie privative du lot. Cependant, cette définition ne couvre pas la question spécifique des lots de jouissance.
Ces lots de jouissance sont souvent mal interprétés. Ils sont parfois décrits dans l’état descriptif de division comme composés d’un droit de jouissance (par exemple, « la jouissance exclusive d’un jardin »), sans autre précision dans le règlement de copropriété. Il est donc essentiel de vérifier si la partie concernée est une partie commune ou privative en se référant au règlement de copropriété. Si le règlement mentionne la terrasse ou le jardin comme partie commune, il s’agit bien d’un droit de jouissance privative sur partie commune. Sinon, il s’agit d’une partie privative du lot. L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 précise que, en l’absence d’indication dans les titres, des éléments comme le sol, les jardins et le gros œuvre sont réputés parties communes. La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 juin 2007 (Cass. 3e civ., 6 juin 2007, n° 16-13477), a jugé qu’un droit de jouissance privative sur une partie commune n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot. De même, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 7 décembre 2009 (CA Aix-en-Provence, 7 décembre 2009, n° 2009-022608), a réputé non écrite une clause de règlement de copropriété qui constituait en lot un droit de jouissance privative. Ces arrêts confirment qu’un lot de jouissance constitué d’une partie commune est irrégulier. Toutefois, la loi ELAN n’a pas expressément réglé cette question, puisqu’elle ne prend en compte que la mention des parties communes à jouissance privative dans le règlement de copropriété. Quant à l’irrégularité des lots de jouissance, bien que la loi ne prévoie pas de sanction directe, la jurisprudence est intervenue. La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er mars 2006 (Cass. 3e civ., 1er mars 2006, n° 04-18547), a jugé que la disparition d’un lot annulé n’entraîne pas la disparition du droit de jouissance privative. En poursuivant cette logique, un arrêt du 2 décembre 2009 (Cass. 3e civ., 2 décembre 2009, n° 08-20310) a confirmé que le propriétaire d’un lot annulé conserve un droit réel et perpétuel sur la partie commune. En 2022, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 9 mars 2022 (Cass. 3e civ., 9 mars 2022, n° 21-12.078) que l’irrégularité d’un lot ne le soustrait pas aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965. Dans ce cas, un lot désigné comme un jardin, mais dépourvu de tantièmes, avait été jugé irrégulier. La cour d’appel avait requalifié le droit en droit de jouissance, car un lot de copropriété doit obligatoirement comporter une partie privative et une quote-part de parties communes.
Pour régulariser de tels lots de jouissance, deux solutions peuvent être envisagées. Si le propriétaire d’un lot en jouissance possède un autre lot dans la copropriété, il peut éventuellement fusionner les deux lots par un acte notarié. En revanche, si le propriétaire ne possède pas d’autre lot, une cession à titre onéreux des parties communes peut être effectuée pour que les lots deviennent des lots réels, assortis de charges. Cette opération nécessite une décision de l’assemblée générale, ainsi que l’intervention d’un géomètre-expert et d’un notaire pour formaliser la modification.
Enfin, la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 novembre 2014 (Cass. 3e civ., 4 novembre 2014, n° 13-22243), a jugé qu’un droit de jouissance privative, n’étant pas un lot, ne peut pas se voir affecter une quote-part de parties communes. Toutefois, ce droit de jouissance privative continue d’exister même après la suppression du lot, et son titulaire devra s’acquitter de charges spécifiques, prévues par le règlement de copropriété.
En cas de travaux à réaliser sur un lot de jouissance, il ne sera pas évident de savoir à qui incombent ces travaux ni de les faire voter en assemblée générale, puisque le détenteur de ce droit n’est pas un véritable copropriétaire. Une consultation formelle semble nécessaire pour traiter ces situations complexes et leurs enjeux.