Le métier de syndic de copropriété est sous les feux de la rampe, plus sans doute qu’il ne l’a jamais été. Au fond, par le passé, il défrayait la chronique soit parce que l’insatisfaction de consommateurs s’exprimait bruyamment, soit parce que des malversations d’ampleur le salissaient. Certes, des associations dénoncent encore des pratiques qui leur paraissent anormales, et c’est leur fonction. Quant au risque d’indélicatesse, il existera toujours, malgré la vigilance des garants, comme dans toutes les professions maniant des fonds de tiers. Pour autant, l’intérêt porté par les pouvoirs publics, par la presse et par l’opinion relève d’une autre logique désormais, renvoyant à des problématiques économiques, sociales et environnementales fondamentales. C’est pour cela que le président du Conseil national de l’habitat, le député Lionel Causse, a provoqué la création d’un groupe de travail sur les syndics, qui devra rendre ses conclusions au plus tard à la rentrée.
Objectifs de cette mission
D’un mot, préfigurer le syndic de demain. Il n’est pas indifférent que son pilotage en ait été confié à l’auteur de ces lignes, aujourd’hui président de l’une des écoles de référence qui forment les professionnels de la gestion de copropriété, jeunes ou moins jeunes, venus d’autres métiers et ayant choisi de se reconvertir. À ces femmes et à ces hommes, plus encore qu’à ceux qui sont en activité, on doit un horizon clair et prometteur. D’ailleurs, l’un des problèmes majeurs des cabinets tient à la difficulté à recruter à la hauteur des besoins, pour preuve que l’attractivité du métier est insuffisante. Ce rapport du Conseil national de l’habitat doit éviter plusieurs écueils. D’abord celui d’être larmoyant, comme trop de discours sur ce métier, qu’on résume à des servitudes et au désamour public. Ensuite, celui de la sévérité et du procès d’intention, histoire d’être dans l’air du temps. Enfin, il faut se garder du travers inverse consistant à jouer en défense et à absoudre la communauté professionnelle, pour ne rien changer et soutenir qu’elle a raison contre le reste du monde. Bref, le rapport sera optimiste et en démontrera les raisons. Il prendra de la hauteur. Ce ne sera pas un rapport d’humeur, comme on fait de la politique de circonstance. Voilà le cahier des charges. C’est d’autant plus important qu’il a l’ambition de peser sur l’action publique : le CNH, assemblée consultative rassemblant toutes les parties prenantes, a toute légitimité et les ministres ne s’y trompent pas, venant y présenter leur stratégie et dialoguer avec les membres.
Les grandes questions
Quatre thèmes structurants… avant tous ceux que les participants pourront identifier. C’est bien sûr par priorité le rôle des syndics dans la réussite de la transition environnementale des immeubles collectifs qui devra mobiliser les intelligences. Le défi est colossal et sans eux, les politiques publiques échoueront, purement et simplement. Les obligations légales et les outils existent : pourtant, le gouvernement a tendance à croire que tout va bien se passer. On en est loin et il faut analyser les freins qui embarrassent l’action des syndics. Jusqu’au modèle économique, qu’il faut cesser de passer sous silence pudiquement. Sont-ils assez rétribués pour donner le meilleur d’eux-mêmes ? L’équation entre l’engagement et le prix est-elle équilibrée ? Deuxième sujet taraudant. Et puis leur statut mérite qu’on s’y attarde. Gabriel Attal, inspiré -dit-on- par le jeune économiste et député des Français établis à l’étranger Marc Ferracci, veut « déverrouiller » les syndics. Nul ne sait ce qu’il a en tête, mais on devine qu’il est question d’accroître la concurrence et de faire baisser les prix, intention assassine, mais il faudra le prouver. Enfin, la récente loi sur l’habitat dégradé crée un métier dans le métier, le « syndic d’intérêt collectif ». Quelles compétences ? Seront-elles limitées au redressement des copropriétés en difficulté ? La mission, plus largement, consistera-t-elle à proposer un service de plus haut niveau, assorti d’une plus grande sécurité pour les copropriétaires, donnant lieu à l’agrément préfectoral prévu par cette loi du 9 avril 2024 ? Une sorte de syndic officiel portant cocarde. Encore un thème de prospection. Les syndics vont se réinventer. Ils ont commencé à le faire, mais la transfiguration va se poursuivre. Leur donner des repères et baliser leur route est un impératif, pour la moitié des Français qui vivent en copropriété et pour le devenir de leur patrimoine.