Le budget de la nation pour 2026 va être bien difficile à boucler. Le gouvernement de Sébastien Lecornu court encore le risque d’être censuré lorsque sera présenté au parlement le projet de loi de finances. Le logement sera lui aussi un contributeur à la réduction du déficit public, et encore a-t-il été identifié par le précédent Premier ministre comme une priorité. Il reste que nous entrons dans une longue période de diminution des aides, même si le nouveau locataire de Matignon adoucit la prescription pour la rendre plus digeste aux partis politiques et aux partenaires sociaux. Nous allons devoir collectivement le comprendre et l’admettre. Mais au fond, au-delà du traitement de notre situation budgétaire inquiétante, une autre conception de l’État n’est-elle pas en train de s’imposer, plus saine et plus morale ? Le propos va choquer, précisément parce que nous vivons à rebours de cette réalité depuis des décennies.
Le domaine de la copropriété était moins concerné jusqu’alors, ne bénéficiant que de peu d’aides publiques, à l’exception des copropriétés en difficulté. Avec l’avènement de la transition énergétique, la copropriété est entrée de plain-pied dans cet univers des aides. Elle est éligible au dispositif vedette, MaPrimeRénov copro, mais également aux éventuelles aides des collectivités locales. On classera légitimement les certificats d’économie d’énergie (CEE) dans une autre catégorie : elles proviennent d’entreprises privées qui, parce que leur activité les désigne comme participant au dérèglement climatique, doivent en quelque sorte se faire pardonner en aidant sur leurs propres moyens les consommateurs à réaliser les travaux nécessaires. Ces aides seront moins sujettes à tarissement que les aides provenant des fonds publics, qui, eux, se raréfient et se raréfieront de plus en plus. Le gouvernement va flécher les moyens alloués vers les ménages les plus modestes…
Qui jugerait ce choix critiquable ?
En première approche, les copropriétés, par définition constituées d’une multiplicité de ménages aux situations économique et sociale diverses, échappent à ce recentrage. Et pourtant, l’État n’en arrivera-t-il pas à regarder plus finement à l’intérieur des syndicats de copropriétaires ceux qui ont vraiment besoin et les autres et à calibrer l’aide selon cette aune ?
Car enfin, pour ceux qui disposent de revenus intermédiaires ou supérieurs, ne parle-t-on pas de travaux qui valoriseront leur patrimoine, amélioreront leur confort de vie et réduiront leurs factures d’énergie ? On objectera, toujours selon une logique à laquelle nous sommes acquis depuis longtemps, que c’est l’État qui oblige les copropriétés à se mettre aux normes, notamment en condamnant les copropriétaires bailleurs à ne plus pouvoir louer leur logement s’il est mal classé dans l’échelle du DPE. Ainsi, puisque l’État contraint, l’État doit payer.
Est-ce si naturel ?
L’État nous conduit à être vertueux au plan environnemental parce que c’est son rôle : la contrainte publique induit-elle l’aide pour ceux qui ont des moyens normaux ?
On sait en outre que l’épargne des Français est abondante (6000 milliards d’euros !) et que les ménages l’abondent de plus en plus, mettant de côté de l’ordre de 15 % de leur revenu disponible. Dans ce contexte, ne pourraient-ils en faire usage pour valoriser les immeubles collectifs dont ils sont solidairement responsables, dans leur propre intérêt ? Et puis, il y a les banques. Elles sont peu allantes au moment de financer les copropriétés, même si la situation s’améliore. En ce domaine comme dans les autres, le levier du crédit permet d’étaler les dépenses d’investissement : l’ingénierie financière parvient à ramener à quelques dizaines d’euros par mois, parfois cent à deux cents euros pour les plus grandes superficies l’effort de chaque copropriétaire.
La France doit d’urgence rétablir ses finances publiques si elle ne veut pas sombrer corps et bien. Pour qu’elle y réussisse, il est temps que nous changions notre rapport aux aides. Nous y serons de toute façon contraints. Tant va la cruche à l’eau…