Je me réveille tous les matins avec cette question lancinante qui me trotte dans la tête : que vont-ils encore me concocter aujourd’hui ?
Les copropriétaires ont une imagination débordante, surtout lorsqu’ils font des travaux chez eux en catimini. Pas vu, pas pris, même pas peur, mon confort d’abord. Si vous êtes un maniaque de l’harmonie d’ensemble, vivre en copropriété risque de vous rendre malade. Il serait vain de tenter un inventaire exhaustif de tous les travaux sauvages, pardon non autorisés, que certains osent entreprendre sur les parties communes. On peut donner un aperçu, un échantillon.
Les grands classiques
Le mur porteur abattu. Un loft new-yorkais en plein Marais, le rêve de tout neo-urbain qui se respecte. Sauf que les pans de bois vieux de 400 ans n’ont pas apprécié, le voisin du-dessus non plus, sa baignoire est descendue d’un étage, et lui avec. Fissures et crevasses en zigzague, étaiement en urgence, c’est parti pour le référé. Le piquage sur la descente. Quand le copropriétaire fraîchement débarqué, sur les bons conseils de son artisan avisé, veut se créer une nouvelle salle de bains là où il n’y en a jamais eu. Tiens, voilà une descente, se dit-il, faisons un orifice dedans pour y raccorder ma nouvelle vidange. La chute passe en façade ? Pas grave, perçons le mur façon cratère, la culotte en écharpe longueur 4 mètres, nouveau nichoir pour les pigeons. Soyons fous. Vous auriez dû faire encore plus gros les gars, on a failli ne pas la voir. Le velux dans la toiture. Le propriétaire du dernier étage se croyait à l’abri des regards. Un velux ? Que nenni, se disait-il, seul le ciel le verra. Raté, le voisin d’en face l’a vu aussi, il m’a même envoyé quelques clichés. Avez-vous bien reçu ma lettre anonyme Monsieur le syndic ? Et ne me dites pas que le trou y était déjà, j’ai les photos satellites d’il y a 2 jours. Internet c’est pratique, on peut même voyager dans le passé… et faire chanter son voisin de palier.
Les tendances du moment
La borne de recharge. Allègrement branchée sur la prise électrique des communs, pourquoi s’embarrasser ? L’énergie est notre avenir, partageons-la ! Le fil pendouille à la vue de tous. Quand il n’y a pas de gêne, il n’y a pas de plaisir. Oh ça va, ce n’est qu’une rallonge, je l’enlève tous les soirs, vous n’allez pas non plus m’emmerder, sinon je ne voterai pas votre mandat à la prochaine AG. Ce n’est pas très gentil ça. Allez hop assignation. Le coffre à clé airbnb. Scellé dans la porte, harnaché à la rambarde d’escalier, ou planqué dans les fleurs de la gardienne, que d’ingéniosité ! Quand le syndic joue à la chasse au trésor. Pince-monseigneur, disqueuse électrique, voilà le nouvel attirail de mon serrurier. Mais… vous ne pouvez pas vous faire justice ? Ben si, regardez, je viens de le faire. La fibre optique. Pourquoi s’embêter à passer son câble dans les coins, prenons le chemin le plus court, faisons un trou béant au beau milieu du palier ? On venait juste de repeindre la cage, dommage. Pourtant il y avait là une belle goulotte, mais le sous-traitant a préféré la contourner. L’amour du travail bien fait.
Les plus exotiques
La piscine creusée dans les caves. Déjà vu. Imaginez le copropriétaire du rez-de-chaussée en mode castor, creusant toutes les nuits sa galerie avec sa petite cuillère et son petit sac poubelle. La surélévation. Pour les plus audacieux. Monsieur vous faites quoi là ? Ben je me fais un étage supplémentaire pourquoi ? Ben vous n’avez pas le droit, c’est interdit par le Règlement de copropriété. Le quoi ? Le conduit de 400. Monté à la va-vite par les cordistes en plein mois d’août. C’est pour la hotte de mon restaurant, il y en avait déjà un avant, regardez les traces ! Non désolé je vois pas. Et puis tous les autres, le frigo au balcon, la moustiquaire pour le chat, les fenêtres dépareillées, la clim sur la cheminée, les bambous de dix mètres de haut, la ventouse de chaudière et sa petite fumée blanche dans la courette, le squattage de combles, le sciage de poutre pour la trémie, la plaque du coach naturopathe (Gagnez en confiance et libérez votre leadership !), la devanture du magasin qui bouche les soupiraux, la véranda dans tous ses états…